15/01/2011

L'élégance du hérisson de Muriel Barbery

Il est des livres sur lesquels on a des a priori. Il est des livres qu’on ne veut pas lire, sans savoir pourquoi, sans savoir l’expliquer. Mais il suffit qu’une personne vous en parle et vous dise de le lire pour que, finalement, vous le lisiez quand même. C’est ce qui est arrivé avec L’élégance du hérisson. Ne me demandez pas pourquoi je ne voulais pas le lire, je ne saurai de toute façon pas quoi vous répondre. Je connaissais la trame principale de l’histoire, une concierge qui lit des livres. Oui, mais l’histoire, c’est plus que cela. Emportée dans la vague du récit, je n’ai pu échapper à la noyade. Je me suis noyée dans le récit, et lorsque j’ai refait surface, je voulais encore plonger ma tête sous l’eau. Renée et Paloma sont juste adorables, marrantes, humaines avant tout. L’une est concierge d’un immeuble, l’autre est fille d’un ministre, enfermée dans un univers familial qui ne lui plait pas, dans une société dans laquelle elle doit jouer un rôle. Malgré son jeune âge, Paloma a des réflexions très intéressantes, des questionnements qui touchent le lecteur. Paloma veut se suicider. Elle n’a de toute façon pas peur de la mort. Renée joue un rôle : celui de la concierge inculte qui parle à peine le français. Tout le monde y croit. Renée lit Tolstoï, a donné le nom de Léon à son chat. Renée lit des grands philosophes, contrairement à ce que croient le khâgneux et la normalienne de son immeuble. Sous le regard de Renée ou de Paloma, le lecteur a droit à des remarques pleines d’humour sur ces élèves ayant fait des prépas, et moi-même ai rit à ces traits d’humour. Leur rencontre met du temps à arriver dans le récit, et on a droit à une alternance de leur point de vue. Paloma écrit avant de mourir, et cherche une raison de vivre. Le plus insignifiant mouvement est pour elle prétexte à un raisonnement sur la vie. Renée parle d’art, de littérature, Paloma parle de la vie. L’art et la vie. Ce livre est une bouffée d’air frais, qui mélange humour et réflexions des plus pertinentes. Une lecture qui met de bonne humeur, qui vous donne le sourire et vous donne envie de lire encore et toujours plus de livres.  

01/01/2011

Madeleine de Proust

  "Et tout d'un coup le souvenir m'est apparu. Ce goût, c'était celui du petit morceau de madeleine que le dimanche matin à Combray (parce que ce jour-là je ne sortais pas avant l'heure de la messe), quand j'allais lui dire bonjour dans sa chambre, ma tante Léonie m'offrait après l'avoir trempé dans son infusion de thé ou de tilleul. La vue de la petite madeleine ne m'avait rien rappelé avant que je n'y eusse goûté; peut-être parce que, en ayant souvent aperçu depuis, sans en manger, sur les tablettes des pâtissiers, leur image avait quitté ces jours de Combray pour se lier à d'autres plus récents ; peut-être parce que, de ces souvenirs abandonnés si longtemps hors de la mémoire, rien ne survivait, tout s'était désagrégé ; les formes - et celle aussi du petit coquillage de pâtisserie, si grassement sensuel sous son plissage sévère et dévot - s'étaient abolies, ou, ensommeillées, avaient perdu la force d'expansion qui leur eût permis de rejoindre la conscience. Mais, quand d'un passé ancien rien ne subsiste, après la mort des êtres, après la destruction des choses, seules, plus frêles mais plus vivaces, plus immatérielles, plus persistantes, plus fidèles, l'odeur et la saveur restent encore longtemps, comme des âmes, à se rappeler, à attendre, à espérer, sur la ruine de tout le reste, à porter sans fléchir, sur leur gouttelette presque impalpable, l'édifice immense du souvenir. "

Pour commencer l'année en beauté (d'ailleurs je vous souhaite une bonne et heureuse année, pleine de joie, de réussite et de bonheur), je vous propose un extrait de Du côté de chez Swann, de Marcel Proust. Parce que, si vous ne le savez pas encore, Proust est l'homme de ma vie. La lecture du premier volume de La Recherche du temps perdu m'a bouleversée, sans exagération. Pourtant, je ne saurais vraiment dire pourquoi je me suis sentie aussi changée en fermant le livre. Ce qui est sûr, c'est que j'ai adoré le style de Proust. J'aime ses longues phrases, j'aime leur rythme. J'aime l'ironie de Proust. J'aime les souvenirs que le narrateur raconte. J'aime tout. La seule lecture de ce volume a propulsé Proust en première place dans mes écrivains préférés (il doit en être honoré ! ). La relecture pour le cours de français au mois de novembre a confirmé cette adoration (n'ayons pas peur des mots) pour lui. J'ai choisi le passage de la madeleine pour différentes raisons. Il y a tout d'abord parce que c'est un passage très connu, la madeleine. Mais aussi et surtout parce que c'est l'extrait sur lequel je suis tombée lors de ma première khôlle de français. J'avoue, je ne voulais pas tomber sur ce livre. J'avais peur, je ne voulais pas m'attaquer à mon écrivain préféré. Et évidemment, comme je ne le voulais pas, je l'ai eu ! La khôlle s'est finalement bien passée. Alors, sentimentale comme je peux l'être parfois, ce passage sera maintenant lié à ce souvenir de ma première khôlle de français.
L'oeuvre de Proust est juste colossale, comme une cathédrale à laquelle on la compare. On a peur d'elle. Mais une fois qu'on la lit, quel plaisir ! Une plume prodigieuse, délicieuse à la lecture. Je n'ai que des adjectifs mélioratifs pour Proust. Je n'ai lu que le premier volume de son oeuvre, mais les suivants m'attendent. J'attends juste le moment propice pour les lire. Ce n'est pas maintenant. Je ne veux pas couper ma lecture, lire deux pages le soir avant de dormir. 

Proust devait avoir la première place ici. C'est un peu une sorte d'hommage que je lui fais, bien maigre hommage, mais le seul que je puisse faire maintenant.  

L'image illustrait l'exposition temporaire sur Proust du musée des Lettres & Manuscrits. J'y suis allée. C'était incroyable, toutes ces lettres, tous ces papiers, les manuscrits de Proust. J'en garde un bon souvenir. L'exposition permanente du musée est elle aussi incroyable. Si vous avez l'occasion d'y aller, n'hésitez pas.