27/02/2011

Sur la lecture


Pour mes vacances, j’avais prévu d’écrire quelques chroniques de lecture. Il faut dire que les lectures ne manquent pas, entre les livres pour les cours, et les lectures personnelles. Alors, pourquoi n’ai-je écrit que trois chroniques pour ce blog, alors que ma liste de livres lus s’allonge dans mon carnet ? Parce que je veux ressentir le besoin d’écrire, je veux sentir le besoin de dire ce que j’ai pensé d’un livre. Pour le moment, je ne veux pas parler de mes livres lus pour les cours parce que je veux attendre d’avoir une explication dessus, pour ne pas dire de bêtises j’imagine. Mais une fois que le cours a été fait, j’ai peur de trop m’attacher à l’explication donnée, et de ne pas assez parler de mon ressenti. Paradoxale, n’est-ce pas ? Alors, peu à peu, la question de « pourquoi lire ? » m’est venue. Pourquoi je lis ? Les réponses sont multiples, évoquer ses sentiments, dire à quel point la lecture transporte, fait voyager…On me dit que je lis beaucoup, et pourtant, quand je vois les autres blogolectrices, je me dis que je suis bien lente. Je suis loin, très loin, d’écrire des chroniques de lecture tous les jours. Et d’autres le font.

Je me suis demandée pourquoi je lisais. Parce que, tout à coup, j’ai eu peur de ne lire que pour alimenter ce blog. La frontière est mince entre lire pour lire, et lire par une sorte d’obligation. Alors je ne me force pas. Quand je ne veux pas parler de ma lecture, je ne le fais pas. Je ne me force pas à finir un livre en peu de temps pour pouvoir en parler. Je savoure mes lectures. Je lis ce qu’on appelle des classiques, des livres longs à lire, des livres qui prennent du temps. Je savoure les plumes délicieuses de ces auteurs qui méritent le plus grand respect rien que pour leur talent. Je lis aussi des contemporains. Mais ce que je recherche avant tout, c’est le style. Je recherche une plume agréable à lire, travaillée, maîtrisée, et en même temps passionnée. Pour moi, le style prime sur l’histoire. Parce qu’une écriture talentueuse donne envie de lire n’importe quelle histoire banale. Une intrigue recherchée ne sera rien si le style est médiocre.

Je me suis demandée pourquoi je lisais. Alors j’ai pris le carnet dans lequel je note des passages qui me touchent, qui me marquent. Et j’ai eu ma réponse.

« Un petit coup au carreau, comme si quelque chose l’avait heurté, suivi d’une ample chute légère comme de grains de sable qu’on eût laissés tomber d’une fenêtre au-dessus, puis la chute s’étendant, se réglant, adoptant un rythme, devenant fluide,  sonore, musicale, innombrable, universelle : c’était la pluie. »  Du côté de chez Swann, Marcel Proust

« Qu’importe dès lors que les actions, les émotions de ces êtres d’un nouveau genre nous apparaissent comme vraies, puisque nous les avons faîtes nôtres, puisque c’est en nous qu’elles se produisent, qu’elles tiennent sous leur dépendance, tandis que nous tournons fiévreusement les pages du livre, la rapidité de notre respiration et l’intensité de notre regard. Et une fois que le romancier nous a mis dans cet état, où comme dans tous les états purement intérieurs, toute émotion est décuplée, où son livre va nous troubler à la façon d’un rêve mais d’un rêve plus clair que ceux que nous avons en dormant et dont le souvenir durera davantage, alors, voici qu’il déchaîne en nous pendant une heure tous les bonheurs et tous les malheurs possibles dont nous mettrions dans la vie des années à connaître quelques-uns, et dont les plus intenses ne nous seraient jamais révélés parce que la lenteur avec laquelle ils se produisent nous en ôtent la perception ; (ainsi notre cœur change, dans la vie, et c’est la pire douleur ; mais nous ne la connaissons que dans la lecture, en imagination : dans la réalité il change, comme certains phénomènes de la nature se produisent, assez lentement pour que, si nous pouvons constater successivement chacun de ses états différents, en revanche la sensation même du changement nous soit épargnée.)  » Du côté de chez Swann, Marcel Proust

« Et lui qui l’aimait peut-être pour ça, uniquement pour cette façon qu’elle avait toujours eue de se couler dans l’air du temps et le regard des autres. Cette manière insaisissable, les mouvements qui savaient la délicatesse de glisser d’un homme à l’autre, d’un pays à l’autre comme elle avait fait, sans se soucier de ce qu’elle laissait derrière elle : une famille inquiète quelque part en Bretagne, qui prenait le train des nouvelles selon le bon vouloir des postes, des amis, et lui, Tony, qui était resté planté là. La matière dont son corps à elle était fait, cette fluidité, cette façon de tenir sur la pointe des pieds comme si rien ne pouvait jamais la blesser puisqu’elle était pour ça trop volatile – un corps léger et doux que Tony traitait de girouette, de temps à autre, pour ne pas s’effondrer en voyant comment il lui glissait des doigts. » Seuls, Laurent Mauvignier

«  En pensant à ça, ce soir, le cœur et l’estomac en marmelade, je me dis que finalement, c’est peut-être ça la vie : beaucoup de désespoir mais aussi quelques moments de beauté où le temps n’est plus le même. C’est comme si les notes de musique faisaient un genre de parenthèses dans le temps, de suspension, un ailleurs ici même, un toujours dans le jamais. Oui, c’est ça, un toujours dans le jamais. » L’élégance du hérisson, Muriel Barbery

« J’aime mieux l’inspiration que la réflexion, le sentiment que la raison, la clémence que la justice, la religion que la philosophie, le beau que l’utile, la poésie avant tout. L’art est plus utile que l’industrie, le beau est plus utile que le bon. S’il en était autrement, pourquoi les premiers peuples, les premiers gouvernements ne seraient-ils pas industrieux, commerçants ? Ils sont artistes, poètes, ils bâtissent des choses inutiles comme des pyramides, des cathédrales ; ils font des poèmes avant de faire du drap. L’esprit est plus gourmand que l’estomac. » Notes pour les livres à venir, Gustave Flaubert

« La vie est l’espoir de la rose non encore épanouie ;
La lecture d’un conte qui change éternellement ;
Le léger soulèvement du voile d’une vierge ;
Un pigeon tournoyant dans l’air transparent de l’été ;
Un écolier rieur, sans crainte ni souci
A cheval sur les branches souples d’un orme.  » Sommeil et poésie, John Keats

«  A peine puis-je écrire d’une façon continue ; de délicieuses mélodies
Voltigent à travers la chambre comme des couples de colombes. » Sommeil et poésie, John Keats

La liseuse de Claude Monet

05/02/2011

Notes pour les livres à venir de Flaubert


Heureuse de voir qu’il restait encore des livres à choisir pour cette nouvelle édition de Masse Critique, alors que j’étais allée plusieurs jours après le lancement sur le site, je décidai de cocher la petite case correspondant à ce livre. Il me semblait intéressant de découvrir les notes de Flaubert, d’autant plus que je l’ai étudié il y a à peine quelques mois, à travers l’étude de Madame Bovary. Le cahier des vingt ans m’a particulièrement plu. J’ai aimé découvrir Flaubert à vingt ans, écrivain en puissance, qui se posait des questions, et portait un regard critique sur la société. Par contre, pour ses notes, je pense qu’il ne faut pas essayer de tout lire d’un coup. Ce sont des pensées, des phrases, des mots qui sortent de son esprit et qu’il couche sur le papier. Certaines sont répertoriées par livres, ceux qu’il a écrits, et d’autres sont classées par thème. Cela permet de voir à quel point l’imagination de Flaubert était débordante. Il avait beaucoup d’idées, et je me suis souvent demandée ce que cela aurait donné s’il avait fait plus de romans. Ce livre est à lire si l’on étudie les œuvres de Flaubert, ou si l’on s’intéresse à lui tout simplement. Il y a des notes absolument délicieuses sur la poésie, la littérature. Découvrir Flaubert sous un autre aspect, le lire avec mes cours sur Madame Bovary à côté, tout cela m’a beaucoup plu.

« La poésie avant tout. »

Je remercie chaleureusement Babelio et les éditions « Atelier de l’Agneau » pour cette découverte.