01/01/2011

Madeleine de Proust

  "Et tout d'un coup le souvenir m'est apparu. Ce goût, c'était celui du petit morceau de madeleine que le dimanche matin à Combray (parce que ce jour-là je ne sortais pas avant l'heure de la messe), quand j'allais lui dire bonjour dans sa chambre, ma tante Léonie m'offrait après l'avoir trempé dans son infusion de thé ou de tilleul. La vue de la petite madeleine ne m'avait rien rappelé avant que je n'y eusse goûté; peut-être parce que, en ayant souvent aperçu depuis, sans en manger, sur les tablettes des pâtissiers, leur image avait quitté ces jours de Combray pour se lier à d'autres plus récents ; peut-être parce que, de ces souvenirs abandonnés si longtemps hors de la mémoire, rien ne survivait, tout s'était désagrégé ; les formes - et celle aussi du petit coquillage de pâtisserie, si grassement sensuel sous son plissage sévère et dévot - s'étaient abolies, ou, ensommeillées, avaient perdu la force d'expansion qui leur eût permis de rejoindre la conscience. Mais, quand d'un passé ancien rien ne subsiste, après la mort des êtres, après la destruction des choses, seules, plus frêles mais plus vivaces, plus immatérielles, plus persistantes, plus fidèles, l'odeur et la saveur restent encore longtemps, comme des âmes, à se rappeler, à attendre, à espérer, sur la ruine de tout le reste, à porter sans fléchir, sur leur gouttelette presque impalpable, l'édifice immense du souvenir. "

Pour commencer l'année en beauté (d'ailleurs je vous souhaite une bonne et heureuse année, pleine de joie, de réussite et de bonheur), je vous propose un extrait de Du côté de chez Swann, de Marcel Proust. Parce que, si vous ne le savez pas encore, Proust est l'homme de ma vie. La lecture du premier volume de La Recherche du temps perdu m'a bouleversée, sans exagération. Pourtant, je ne saurais vraiment dire pourquoi je me suis sentie aussi changée en fermant le livre. Ce qui est sûr, c'est que j'ai adoré le style de Proust. J'aime ses longues phrases, j'aime leur rythme. J'aime l'ironie de Proust. J'aime les souvenirs que le narrateur raconte. J'aime tout. La seule lecture de ce volume a propulsé Proust en première place dans mes écrivains préférés (il doit en être honoré ! ). La relecture pour le cours de français au mois de novembre a confirmé cette adoration (n'ayons pas peur des mots) pour lui. J'ai choisi le passage de la madeleine pour différentes raisons. Il y a tout d'abord parce que c'est un passage très connu, la madeleine. Mais aussi et surtout parce que c'est l'extrait sur lequel je suis tombée lors de ma première khôlle de français. J'avoue, je ne voulais pas tomber sur ce livre. J'avais peur, je ne voulais pas m'attaquer à mon écrivain préféré. Et évidemment, comme je ne le voulais pas, je l'ai eu ! La khôlle s'est finalement bien passée. Alors, sentimentale comme je peux l'être parfois, ce passage sera maintenant lié à ce souvenir de ma première khôlle de français.
L'oeuvre de Proust est juste colossale, comme une cathédrale à laquelle on la compare. On a peur d'elle. Mais une fois qu'on la lit, quel plaisir ! Une plume prodigieuse, délicieuse à la lecture. Je n'ai que des adjectifs mélioratifs pour Proust. Je n'ai lu que le premier volume de son oeuvre, mais les suivants m'attendent. J'attends juste le moment propice pour les lire. Ce n'est pas maintenant. Je ne veux pas couper ma lecture, lire deux pages le soir avant de dormir. 

Proust devait avoir la première place ici. C'est un peu une sorte d'hommage que je lui fais, bien maigre hommage, mais le seul que je puisse faire maintenant.  

L'image illustrait l'exposition temporaire sur Proust du musée des Lettres & Manuscrits. J'y suis allée. C'était incroyable, toutes ces lettres, tous ces papiers, les manuscrits de Proust. J'en garde un bon souvenir. L'exposition permanente du musée est elle aussi incroyable. Si vous avez l'occasion d'y aller, n'hésitez pas.



8 commentaires:

  1. Oh mais je n'avais pas mesuré à quel point ta passion pour Marcel (oui oui je suis intime avec lui :p) était puissante! C'est chouette de voir que je ne suis pas la seule à lui vouer une espèce de culte^^
    Mon blog aussi commence par lui d'ailleurs, c'était primordial
    Si cela t'intéresse, je te conseille une biographie de cet homme étrange mais génial, par l'académicien André Maurois, intitulé A la Recherche de Marcel Proust (très original le titre n'est-il pas!)
    Je crois qu'un jour on fondera un fan club (mais seulement quand on aura lu toute son oeuvre, donc pas demain... puisque comme tu le dis, Proust ça se déguste, mais pas par miettes)

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  2. Ca marche pour le fan club, j'adhère totalement à ton idée !

    Je note pour la biographie, je pensais lire celle de Tadier, mais je note celle que tu me conseilles. (et oui, j'adore le titre ! )

    J'aime tellement Proust que j'embête mes parents pour aller à Cabourg, et louer la chambre qu'il prenait (oui oui, on peut la louer!) Mais j'assume totalement.

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  3. Si vous ouvrez un fan club de Proust, alors j'en serai! Chaque été sans exception j'ai lu un de ses titres plus les pastiches et les albums sur ses lieux chéris, la cuisine de Françoise et de Céleste et que sais-je encore mais je ne savais pas qu'on pouvait louer sa chambre à Cabourg! Ce serait le nec plus ultra! :)
    Bonne année à toi aussi, j'allais oublier!

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  4. Je ne sais pas pourquoi, mais Proust me fait peur... Un jour j'oserai me lancer, tu es déjà parvenue à me faire pense que peut-être je pourrai le faire. C'est énorme !

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  5. Olalala, faudrait absolument que je le lise...! D'abord parce que vot' article me donne l'envie, mais aussi parce qu'en ce moment, mon Maître est Céline.
    Et certains pensent que le meilleur du XX eme siècle est Proust.. d'autres Celine !
    Il faudra bien lire Proust pour trancher.

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  6. great-little-lad@hotmail.fr2 mai 2011 à 23:16

    Céline est l'anti-Proust, il le revendique d'ailleurs : "300 pages pour nous faire comprendre que tutur encule tatave c'est trop". Derrière les critiques de Céline, on sent toutefois poindre l'admiration. En dépit des apparences ils ont beaucoup en commun : l'amour d'une langue qu'ils manient pourtant si différemment, une approche pessimiste des rapports humains et de l'existence...
    Je dois reconnaître que ma préférence va à Proust, mais Céline est deuxième,assurément : )
    Bonne lecture

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  7. great-little-lad@hotmail.fr2 mai 2011 à 23:28

    PS Je viens d'apprendre que vous êtes khâgneuse, je regrette d'être en concurrence avec une si belle plume. Bonne chance quand même : )

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  8. Réponse aux commentaires : J'ai très envie de lire Céline, et je pense que je profiterai des vacances pour me plonger dans son oeuvre.

    Great Little : En fait je suis hypokhâgneuse, et j'espère devenir khâgneuse en septembre. J'espère que le concours s'est bien passé pour toi (je me permets de te tutoyer). Et je te remercie pour le compliment =)

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